Un nouveau gène mutant, lié au trafic intracellulaire

Des chercheurs du NIH mettent à jour un gène supplémentaire lié au bégaiement persistant

Un déficit dans le trafic intracellulaire est à la base d'un trouble de la parole

6 novembre 2015

Un défaut dans le trafic intracellulaire, le processus que les cellules emploient pour déplacer les protéïnes à leurs emplacements corrects, cause une forme héritée de bégaiement persistant, d'après une nouvelle étude menée par des scientifiques au National Institute on Deafness and Other Communication Disorders (NIDCD), du National Institutes of Health. Ces découvertes prolongent des études précédentes, fournissant des nouveaux éclairages sur les bases moléculaires du trouble et renforçant la notion que le bégaiement persistant est un trouble neurologique (cerveau). Les résultats peuvent contribuer à établir le dévelloppement de nouvelles approches diagnostiques et thérapeutiques pour le bégaiement. L'étude a été publié le 5 novembre dans le American Journal of Human Genetics.

Le bégaiement est un trouble de la parole dans lequel une personne répète, ou prolonge, les sons, les syllabes et les mots, perturbant le flux normal de la parole. Le trouble affecte des gens de tous âges et commence le plus souvent chez les jeunes enfants entre 2 et 6 ans, lorsqu'ils développent leur capacités de langage. La plupart des enfants se débarrassent de leur bégaiement, mais beaucoup ne le font pas. Les chercheurs estiment que pas moins de 1 pour cent des Américains, environ 3 millions de personnes, vivent avec le bégaiement persistant. Alors que les causes exactes du bégaiement sont inconnues, les scientifiques pensent qu'il puise sa source dans des problèmes au niveau des circuits du cerveau qui contrôlent la parole.

Le bégaiement tient souvent de famille, et les chercheurs estiment la contribution des facteurs génétiques à hauteur de 80%. En 2010, une équipe menée par le Dr. Dennis Drayna, chef de la section Systems Biology of Communication Disorders au Laboratory of Molecular Genetics au NIDCD, ont pour la première fois relié trois gènes au bégaiement. Ces trois gènes sont impliqués dans le trafic intracellulaire; plus précisément, ils dirigent les protéïnes vers un compartiment où elles sont décomposées et leurs composants recyclés.

Alors que la découverte des gènes précédemment identifiés ont representés une percée importante, les chercheurs ont estimé que, pris ensemble, ces gènes entrent en compte pour seulement 8 à 16 pour cent des cas de bégaiements hérités aux Etats-Unis, et ailleurs. Les chercheurs ont continué à enquêter sur des facteurs génétiques supplémentaires.

Dans la présente étude, l'équipe de Drayna a cherché à identifier d'autres gènes impliqués en se concentrant sur une large famille du Cameroun, d'Afrique du Sud, qui a plusieurs cas de bégaiement. Les chercheurs ont identifiés des mutations dans un gène appelé AEP4E1 présentes chez les individus dans cette famille, qui bégaient, mais qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde, excepté chez deux Camerounais qui n'étaient pas reliés à cette famille, et qui bégaient. D'autres mutations sur ce gène ont été ensuite trouvés chez individus qui bégaient, du Brésil, des Etats-Unis, d'Angleterre, du Pakistan, et du Cameroun.

Au même titre que les gènes du bégaiement découverts plus tôt par l'équipe du Dr Drayna, AP4E1, qui est un composant d'un complexe en quatre parties, joue un rôle dans le trafic intracellulaire. En utilisant des méthodes biochimiques, les scientifiques ont découverts que le complexe AP4E1 interagit physiquement avec une des protéïnes -liée au bégaiement- précédemment identifiées, suggérant qu'ils travaillent ensemble intimement pour conduire les protéïnes à leur emplacements de destinations corrects.

Dans une partie de l'étude, les chercheurs ont aussi traqué les mutations du AP4E1 chez des individus non-liés du Pakistan, du Cameroun, et d'Amérique du Nord qui bégayaient et chez ceux qui ne bégayaient pas. Les chercheurs ont trouvé une plus grande fréquence des mutations du AP4E1 parmi les individus du Pakistan et du Cameroun qui bégayaient, comparé à ceux qui ne bégayaient pas. Les différences dans les fréquences du variant parmi les deux groupes Nord-Américains n'ont pas montré de différences significatives, toutefois. En se basant sur leurs découvertes, les chercheurs ont estimé que 2,1 à 3,7 pour cent des cas de bégaiement persistant sont causés par des mutations dans AP4E1.

Pris ensemble avec le travail précédent de Drayna, ces découvertes impliquent fortement le trafic intracellulaire, spécialement le processus de direction des protéïnes vers le compartiment de recyclage de la cellule. Des défauts dans le trafic intracellulaire ont été reliés à d'autres troubles neurologiques, tels que la sclérose latérale amytrophique, la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer, suggérant que certaines voies des cellules nerveuses sont particulièrement sensibles à l'altération de ce processus. Leurs découvertes n'indiquent pas, cependant, si le bégaiement persistant est un indicateur précoce de ces autres troubles, plus courants.


"Je pense que l'un des problèmes les plus importants de notre travail est de montrer que le bégaiement, à sa source, est un problème biologique" dit Drayna. "Dans le futur, nous pourrons être en mesure de construire sur ce que nous avons appris de la génétique du bégaiement pour développer de nouveaux diagnostics et de nouvelles thérapies".

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