Un article de D.Drayna pour la BSA : 3 gènes...et plus !

Deux mois après sa découverte, Dennis Drayna écrit un article "grand public" pour la BSA : je vous propose une traduction.
A noter que :
- Il réitère certains soupçons sur des possibles "cellules de l'émotion", ce que je trouble fascinant...
- D'autres gènes ont été trouvé, mais cela n'a pas encore été publié...et ces gènes concernent peut-être une plus grande partie de personnes bègues, que les 9%.
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Speaking Out - Bristish Stammering Association - avril 2010
Premiers gènes découverts pour le bégaiement
Le Dr Dennis Drayna est le chef d'un projet qui a identifié trois gènes liés qui peuvent déclencher le bégaiement.
Notre article de recherche a été publié en février dans le New England Journal of Medicine, et est le premier à désigner des mutations de gènes spécifiques comme cause potentielle du bégaiement. Nous avons découvert des mutations dans trois gènes liés dans une proportion de gens qui bégaient mais pas chez nos 'contrôles' fluents. Nous estimons qu'environ 9% des bégaiements qui apparaissent avec antécédents familiaux a une mutation dans un de ces gènes. Aux Etats-Unis, la proportion de bégaiement avec antécédent familial semble être quelque chose comme 50-70%.

Le bégaiement tend à tenir de famille, et les chercheurs suspectent depuis longtemps un composant génétique dans ce trouble. Des études antérieures que nous avons faites dans un groupe de familles du Pakistan ont indiquées un endroit sur le chromosome 12, susceptible d'abriter un gène variant associé au bégaiement.

Dans notre dernière recherche, nous avons affiner l'endroit exact de cette localisation sur le chromosome 12, et nous avons concentré nos efforts sur ce site plus précisément localisé. Cela nous a conduit à identifier des mutations dans un gène connu sous le nom de GNPTAB chez les membres d'une large famille Pakistanaise qui bégaient. En analysant les gènes de plus d'individus du Pakistan, des Etats-Unis et d'Angleterre, nous avons découvert que certains de ceux qui bégaient possédent la même mutation que la grande famille Pakistanaise. Nous avons aussi découvert trois autres mutations dans le même gène qui se sont révélé chez plusieurs individus sans parenté qui bégaient mais pas chez les contrôles.

Nous avons aussi identifié des mutations dans deux gènes additionnels qui n'apparaissent pas chez les individus de contrôles normaux. Un de ces gènes est appelé GNPTG. Le produit de ce gène se combine avec le produit du gène GNPTAB pour former un enzyme qui est présent dans toutes les cellules du corps.

De plus, toutes les cellules contiennent un second enzyme appelé NAGPA, qui agit à l'étape suivante dans leur processus métabolique, et ainsi ces enzymes travaillent main-dans-la-main. Le lien entre les gènes signifie que, une fois que nous avons trouvé les mutations dans le gène GNPTAB, les gènes GNPTG et NAGPA étaient la prochain endroit logique pour nous ou regarder. En effet, quand nous avons examiné ces deux gènes, nous avons trouvé des mutations chez les individus qui bégaient, mais nous n'avons jamais trouvé chez les groupes de contrôles.

Centres de recyclages
Alors, qu'est-ce que les enzymes font ? Ils sont responsables de la mise en place d'un signal sur un large groupe de différents enzymes (environ 60 en tout) qui aident à démolir et recycler des composants cellulaires. Cette démolition arrive à l'intérieur d'un compartiment spécial dans la cellule appelé le lysosome, qui digère les matériaux que la cellule souhaite recycler comme partie de son métabolisme normal. L'enzyme GNPTAB/G et l'enzyme NAGPA travaillent pour mettre un 'signal ciblant' sur toutes ces 60 enzymes. Ce signal dit à la cellule de transporter ces enzymes et de les mettre à l'intérieur du lysosome auquel ils appartiennent.

Les mutations dans les gènes GNPTAB et GNPTG ont déjà été réliés à deux maladies sérieuses appelés troubles ML. Ce sont des 'troubles d'emmagasinage lysosomals', ou des composants de cellules mal recyclés s'accumulent dans le lysosome. D'importants dépôts de ces substances forment en bout de course des problèmes de jointures, de système squelettique, de coeur, de foie et autres problèmes de santé aussi bien que des problèmes développementaux dans le cerveau. Ils sont aussi connus pour causer des problèmes avec la parole.

Pourquoi est-ce que les gens avec les mutations du bégaiement n'ont-ils pas de plus sérieuses complications ? Nous pensons qu'une raison est celle-ci : les troubles ML sont ainsi appelés troubles génétiques récessifs ; vous avez besoin d'avoir deux copies d'un gène défectueux pour être malade. La plupart des individus dans notre étude qui bégayaient avaient seulement une copie de la mutation. De même, avec le bégaiement, la protéïne est quand même faite, mais pas tout-à-fait correctement. Avec les troubles ML, les protéïnes ne sont typiquement pas faites du tout.

Une recherche future cruciale
Un de nos objectifs est maintenant de conduire une large étude à échelle mondiale pour mieux déterminer le pourcentage de personnes qui portent une ou plus de ces mutations. Nous avons également pour but de déterminer spécifiquement comment les mutations affectent la fonction des enzymes, et quelles cellules au juste sont affectées dans le cerveau par les mutations, de telle façon que cela produise le bégaiement. Concernant ce dernier point, nous avons certains soupçons suggèrant qu'il peut y avoir des cellules qui sont impliquées dans l'émotion - beaucoup de personnes sentent que l'anxiété par exemple a un fort effet sur le bégaiement.

De plus, il est clair que ces mutations apparaissent chez seulement une fraction de la population qui bégaie, et manifestemment beaucoup des bégaiements ne sont pas pris en compte par nos découvertes. Cependant, nous avons continué nos études génétiques et avons maintenant trouvé la localisation de gènes additionnels qui ne sont pas encore publiés. Nous espérons que ces gènes additionnels rendront compte pour une plus grande fraction de bégaiements, et nous donne des éclairages supplémentaires sur les causes du trouble. Globalement, nous beaucoup à apprendre avant de pleinement comprendre comment ce trouble du métabolisme hérité peut conduire au bégaiement.

"la thérapie de remplacement enzymatique est une possibilité lointaine mais excitante pour ce groupe de personnes bègues"

Nouveaux chemins pour le traitement ?
Nos découvertes ouvrent de nouvelles voies de recherches vers des traitements possibles pour le bégaiement. Par exemple, le traitement actuel pour certains troubles de stockage lysosomaux impliquent des injections d'enzymes fabriqués dans le flux sanguin d'une personne pour remplacer l'enzyme manquante. Ainsi, la thérapie de remplacement enzymatique est une possibilité future lointaine mais excitante pour traiter ce groupe de personnes qui bégaient.

Les implications actuelles
Tous les sujets de notre étude étaient des personnes avec un bégaiement persistant, souvent à vie. Cela correspond à un trouble hérité chez ces individus. Nos découvertes ne s'appliquent probablement pas à la majorité des bégaiements qui apparaissent pendant une courte période de temps chez le jeune enfant.

Nous nous sommes aussi posé la question de savoir si le bégaiement est simplement une manifestation visible de troubles ML. Nous avons pu réaliser un examen médical détaillé de quelques-uns des individus avec les mutations dans ces gènes, et aucun d'eux n'a montré de signes ou de symptômes de troubles ML. Ainsi, alors que les troubles ML sont souvent des affections médicales sévères, ceux qui bégaient ne semblent pas être à risque pour ces maladies.

Le Dr Dennis Drayna est un généticien et Examinateur Senior à la National Institute on Deafness and Other Communication Disorders à Maryland, Etats-Unis.

Reference:
Kang C et al (2010). Mutations in the lysosomal enzyme-targeting pathway and persistent stuttering. NEJM 362:677-85. doi:10.1056/NEJMoa0902630

Commentaires

Unknown a dit…
Merci Olivier, pour cette nouvelle traduction.
On sent que Drayna a encore des revelations sous le coude et qu'il brûle d'envie d'en parler...mais les règles de publication des grandes revues médicales sont strictes.
Quant à ce qui est de la thérapie enzymatique....je vais un peu doucher votre enthousiasme (Tom Weidig a fait un post très pertinent sur la question il y a quelques mois) : c'est horriblement horriblement cher et ce sera destiné en priorité aux personnes qui ont la maladie "complète", c'est à dire la mutation sur les deux chromosomes de la même paire.

ça ne nous dit toujours pas comment on en arrive à l'excès de dopamine et pourquoi l'aire Brodmann 47 est visée en particulier.

Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel
O a dit…
L'enquête continue...
O a dit…
Merci Tom pour le lien ; j'ai déjà connaissance de ces faits. Mais le bégaiement dans le Parkinson n'est pas forcément identique au nôtre.