TRADUCTION IMPORTANTE : Le rapport des 3 premières mutations liées au bégaiement identifiées (février 2010)

Le rapport étant disponible gratuitement en ligne, je vous propose une traduction de
Mutations in the Lysosomal Enzyme-Targeting Pathway and Persistent Stuttering (2010)
par l'équipe de Changsoo Kang et Dennis Drayna.
Il s'agit de l'identification des "3 premiers gènes du bégaiement",
ou plus précisément de leurs mutations, liées au bégaiement,
qui a fait l'évènement l'année dernière.
Cette traduction vient s'ajouter à la courte liste des "incontournables" d'UOSUI.


La seconde moitié de la partie Discussion,
en pages 8 et 9, est passionnante
et largement accessible à tout le monde.

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The New England Journal of Medicine - 25 février 2010 vol. 362 no. 8

Mutations dans la voie lysosomale ciblant une enzyme et bégaiement persistant

Changsoo Kang, Ph.D., Sheikh Riazuddin, Ph.D., Jennifer Mundorff, M.A., Donna Krasnewich, M.D., Ph.D., Penelope Friedman, M.D., James C. Mullikin, Ph.D., and Dennis Drayna, Ph.D.

From the National Institute on Deafness and Other Communication Disorders (C.K., D.D.), the National Human Genome Research Institute (NHGRI) (D.K.), the Clinical Center (P.F.), and the Genome Technology Branch, NHGRI ( J.C.M.), National Institutes of Health — all in Bethesda, MD; the Center of Excellence in Molecular Biology, University of the Punjab, Lahore, Pakistan (S.R.); and Hollins Communications Research Institute, Roanoke, VA ( J.M.). Address reprint requests to Dr. Drayna at 5 Research Ct., Rm. 2B-46, Rockville, MD 20850, or at drayna@nidcd .nih.gov. This article (10.1056/NEJMoa0902630) was published on February 10, 2010, at NEJM .org. N Engl J Med 2010;362:677-85. Copyright © 2010 Massachusetts Medical Society.

R É S U M É
CONTEXTE
Le bégaiement est un trouble de cause inconnue, caractérisé par des répétitions, des prolongations et des interruptions dans le flux de la parole. Des facteurs génétiques ont été impliqués dans ce trouble, et des études antérieures sur le bégaiement ont identifié un lien avec des marqueurs sur le chromosome 12.

MÉTHODES
Nous avons analysé la région génomique de chromosome 12q23.3 chez des familles Pakistanaises consanguines, dont certains membres avaient un bégaiement non-syndromique, et chez des sujets de contrôle sans liens de parentés du Pakistan et d'Amérique du Nord.

RÉSULTATS
Nous avons identifié une mutation faux-sens dans le gène N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase (GNPTAB) qui encode les sous-unités catalytiques alpha et beta de GlcNAcphosphotransferase (GNPT [EC 2.7.8.15]), qui était associée au bégaiement dans une grande famille Pakistanaise consanguine. Cette mutation est apparue chez les membres affectés d'approximativement 10% des familles Pakistanaises, mais elle est apparue seulement une fois sur les 192 chromosomes des sujets de contrôles Pakistanais non-affectés et non-parentés, et n'a pas été observée sur les 552 chromosomes des sujets de contrôles Nord-américains non-affectés sans parentés. Celle-ci, et trois autres dans GNPTAB sont apparues chez des sujets non-parentés qui bégaient, mais pas chez les sujets de contrôle. Nous avons aussi identifié trois mutations sur le gène GNPTG, qui encode la sous-unité gamma de GNPT, chez des sujets affectés de descendance Asiatique et Européenne, mais pas chez les sujets de contrôle. De plus, nous avons identifié trois mutations sur le gène NAGPA, qui encode pour l'enzyme surnommée "de démasquage", chez d'autres sujets affectés mais pas chez les sujets de contrôle. Ces gènes encodent des enzymes qui génèrent le signal mannose-6-phosphate, qui oriente un groupe divers d'hydrolases vers le lysosome. Des déficits dans ce système sont associés aux mucolipidoses, des troubles rares du stockage lysosomal qui sont plus communément associés à l'os, au tissu connectif, et à des symptômes neurologiques.

CONCLUSIONS
La susceptibilité au bégaiement non-syndromique est associée à des variations dans des gènes gouvernant le métabolisme lysosomal.


Le bégaiement est un trouble commun de la parole qui a été reconnu depuis l'antiquité et affecte toutes les populations et tous les groupes de langage1. Bien que les causes sous-jacentes soient inconnues, des résultats d'études sur des jumeaux2-6, sur des adoptions7,8, et sur des familles9,10 soutiennent un rôle pour une contribution génétique dans l'étiologie de ce trouble. Des études de lien génétique ont fourni des évidences suggestives ou significatives de liens avec plusieurs loci à travers le génome11-14. Sur la base d'une étude impliquant un groupe de familles consanguines au Pakistan12, le lien le plus fort avec un locus était sur le bras long du chromosome 12. Nous avons analysé ce locus sur un groupe de familles Pakistanaises affectées, et sur une série de sujets affectés mais non-parentés du Pakistan, d'Amérique du Nord, et de Grande-Bretagne, ainsi que chez des sujets de contrôle non affectés, non parentés, à la fois du Pakistan et d'Amérique du Nord.

M É T H O D E S

Nous avons analysé des familles qui avaient participé à des études antérieures de lien12 et nous nous sommes concentrés sur la famille la plus grande, désignée PKST72 (Fig.1). En plus de cela, nous avons étudié des cas non-parentés de bégaiement chez 46 sujets Pakistanais (un de chacune des familles précédemment étudiées12) et 77 personnes bègues supplémentaires non-parentées, du Pakistan, ainsi que 270 personnes affectées, non-parentées, des Etats-Unis et d'Angleterre. Ce dernier groupe était recruté par appel public, et les participants potentiels devaient correspondre aux critères suivants de sélection : 8 ans d'âge ou plus ; durée du bégaiement 6 mois ou plus ; preuve d'un antécédent familial de bégaiement ; et parole caractérisée par plus de 4% de disfluences de bégaiement, telles que mesurées par le Stuttering Severity Instrument 3e édition (SSI-3)15, ou par un passage de lecture standard bien caractérisé16. Les répartitions moyennes et globales des scores de disfluences se sont montrées similaires avec l'utilisation de ces deux tests15,16, et la répartition des scores avec l'utilisation de ces deux instruments dans notre population de sujets bègues était aussi similaire (voir Fig.1 dans l'Appendice Supplémentaire, disponible avec le texte intégral de cet article sur NEJM.org). Les jeunes enfants, chez qui le rétablissement du bégaiement est commun, étaient exclus de l'étude ; de même que les sujets ayant rapporté des symptômes neurologiques ou psychiatriques.
L'ascendance des participants Pakistanais et Nord-Américains-Britanniques était déterminée par un auto-rapport (voir l'Appendice Supplémentaire); tous les participants Pakistanais étaient d'origine Asiatique, et les participants Nord-Américains–Britanniques affectés se sont décrits eux-mêmes comme blancs (206 participants), noirs (25), Asiatiques (16), Hispaniques (13), Indiens d'Amérique [Native American, NdT] (1), et autres ou inconnu (9). La moyenne (±SD) d'âge dans notre échantillon de sujets affectés, non-parentés était de 30.7±12.1 ans (pour la répartition d'âge, voir la Fig.2 dans l'Appendice Supplémentaire). Les sujets de contrôle Pakistanais étaient 96 personnes d'âge et de sexe correspondants, avec une parole normale, de la même région du Pakistan. Les sujets de contrôle étaient 276 Nord-Américains bien caractérisés, neurologiquement normaux, qui ont été initialement évalués et validés comme sujets de contrôle dans une large étude sur la maladie de Parkinson (Coriell Institute for Medical Research).
Tous les participants ont fourni par écrit un consentement informé, et l'étude a été approuvée par le conseil de révision institutionnel du National Institutes of Health and the Center of Excellence in Molecular Biology à Lahore, au Pakistan.
L'identification des gènes et les analyses bioinformatiques étaient basées sur le UCSC Genome Browser, assemblée de Mars 2006. L'hybridation génomique comparative17 était réalisée avec l'utilisation du Custom CGH 385K Array (NimbleGen), qui était conçu pour mettre en question 10 paires de mégabases centrées sur la paire de bases 99,197,889 (c'est-à-dire de la paire de bases 94,220,151 à la paire de bases 104,175,626) de la séquence du chromosome 12 sur sept sujets Pakistanais affectés et trois non-affectés. Le séquençage ADN était réalisé sur l'ADN génomique qui était purifié avec l'utilisation de méthodes standards. Les variants génétiques identifiés par séquençage étaient pris en compte pour des analyses plus poussées s'ils correspondaient aux critères suivants : s'ils n'avaient pas été précédemment décrits comme polymorphisme nucléotidique simple commun dans la population mondiale (comme indiqué par le nombre rs); s'ils altéraient un motif de protéine fonctionnel connu ou résultait en une insertion ou délétion d'acides aminés; s'ils altéraient un acide aminé qui est parfaitement conservé chez les mammifères; et s'ils produisaient une altération physique proéminente, tel qu'un changement dans la charge ou la polarité, dans l'acide aminé.

Les alignements de séquence-protéine étaient réalisés avec l'utilisation de MultAlin 5.4.1.18. Les évaluations cliniques incluaient un entretien sur les antécédents médicaux et un examen physique, une inspection squelettique limitée, un examen échocardiographique, des examens
Figure 1. Lignée et Répartition de la mutation du GNPTAB Glu1200Lys dans la Famille PKST72.
Les sujets 77 et 89 (ovales verts) étaient homozygotes pour la mutation mais étaient non-affectés, suggérant une non-pénétrance. Les sujets 65, 69 et 83 (ovales roses) étaient affectés mais différaient des autres sujets affectés en ce qui concerne l'haplotype environnant le gène pour les sous-unités alpha et beta de N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase (GNPTAB). Les doubles lignes indiquent des unions consanguines. Les carrés indiquent les membres masculins de la famille, les cercles les membres féminins, les symboles plein les membres affectés, et les slashes les membres décédés.


d'urine pour les oligosaccharides sécrétées, et de sang pour l'activité hexosaminidase lysosomale, et un examen opthalmologique de pupille dilatée.
R E S U L T A T S
ETUDE DE LIEN ET ÉVALUATION DE GÈNE
Des résultats antérieurs ont fourni une évidence maximale qu'un marqueur sur le gène PAH était lié au bégaiement12. Nous avons séquencé l'intervalle de 300-kb centré sur le gène PAH chez cinq sujets affectés : trois de la famille PKST72 (Fig.1) et un dans chacune des deux autres familles Pakistanaises affectées (Famille PKST51 et Famille PKST54) ; les trois familles ont donné des scores de lien non-paramétriques qui soutenaient le lien sur ce locus (données non montrées). Nous avons aussi séquencé la même région chez trois sujets de contrôles Pakistanais non-parentés. Aucun candidat variant génétique plausible n'a été détecté, donc nous avons recruté davantage de membres de la Famille PKST72, et réalisé des analyses supplémentaires de lien en deux-points dans cette famille, incluant tous les membres génotypés de la famille montrés sur la Figure 1. Ces analyses ont confirmé le lien sur le chromosome 12q mais a résulté en des scores de lien maximaux
plus proximaux, avec un pic au marqueur D12S1607 (Fig.3 dans l'Appendice Supplémentaire). Les résultats ont indiqué que la région allant de D12S101 à D12S1597 (étendue de la paire de base 94,220,151 à la paire de base 104,175,626 dans l'assemblée de Mars 2006 du UCSC Genome Browser) fournissait une preuve de lien pour cette famille. Nous avons entrepris une étude systématique de cette région génomique 10-Mb en utilisant diverses méthodes, incluant des analyses par puces à ADN comparative–génomique-hybridation et de séquençage ADN. Les études par puce à ADN n'ont révélé ni insertions, ni délétions, ni de variants copy-number plus grands que 210 associés au bégaiement dans notre échantillon de test, qui comprenait trois personnes affectées de la Famille PKST72, deux de la Famille PKST54, et deux de la Famille PKST51, en parallèle avec trois sujets Pakistanais non-affectés non-parentés.
A l'intérieur de cette région de 10-Mb se trouvent 87 gènes connus et prévus (UCSC Genome Browser). Le séquençage ADN des exons, frontières exon–intron, régions régulatives en amont, et régions 3′ non traduites de 45 gènes résidant à l'intérieur de la région du lien le plus fort (Fig.3 et Table 2 dans l'Appendice Supplémentaire) a révélé de nombreux variants de codage chez les sujets affectés. La ségrégation de ces variants a d'abord été testée sur la Famille PKST72. Parce que ces gènes résident tous à l'intérieur de la région de lien, la plupart de ces variants était en co-ségrégation avec le bégaiement plus fréquemment qu'on aurait pu s'y attendre par de la chance. Cependant, la plupart de ces variants ont été trouvés à haute fréquence dans la population Pakistanaise non-affectée (>5%) et sont donc probablement des polymorphismes non-pathogènes.

MUTATIONS SUR LE GNPTAB
Le variant montrant le plus haut degré de co-ségrégation avec le bégaiement dans la Famille PKST72 était une mutation (G3598A) qui prédit la substitution d'un résidu de lysine pour un résidu d'acide glutamique à la position 1200 (Glu1200Lys) dans GlcNAc-phosphotransferase (encodé par GNPTAB) (Fig.2). A trois exceptions près, les personnes affectées dans la Famille PKST72 portaient une ou deux copies de ce variant. Une inspection plus poussée des non-porteurs affectés a montré qu'ils portaient des allèles communs sur le marqueur adjacent D12S1607, tandis que les 25 membres affectés des familles portaient une ou deux copies de l'allèle le moins commun de D12S1607 dans cette population (prévalence, 0.03). Cela suggère que les trois membres affectés non-porteurs bégaient pour des raisons non-liées à la variation dans le gène GNPTAB. Deux membres de la Famille PKST72 étaient homozygotes et neuf étaient hétérozygotes pour la mutation mais ne bégayaient pas présentement. Les deux homozygotes étaient des femmes, dont on sait qu'elles ont un ratio relativement élevé de rétablissement pour ce trouble1, et nous émettons l'hypothèse qu'ils représentent des cas de non-pénétrance. Ainsi, le variant G3598A n'affiche pas une ségrégation absolue avec le bégaiement dans la Famille PKST72 sous un mode dominant ou récessif d'héritage ; un modèle génétique additif est plus compatible avec le schéma d'héritage du trait. Le fait que les plus hauts scores de lien étaient obtenus pour le variant GNPTAB G3598A, combiné avec le manque d'autres variants génétiques plausibles à l'intérieur de l'intervalle de lien, a suggéré que ce variant augmente le risque de bégaiement quand il est présent dans une ou deux copies.

Nous avons filtré pour cela, et pour d'autres mutations éventuelles sur GNPTAB chez des personnes Pakistanaises supplémentaires affectées, non-parentées, incluant un membre affecté de chacune des 46 familles analysées dans notre précédente étude de lien12, et chez 96 sujets Pakistanais de contrôle correspondants, non-affectés. Nous avons aussi filtré 270 sujets Américains-Britanniques affectés non-parentés et 276 sujets de contrôle Nord-Américains correspondants. Le séquençage ADN subséquent des 21 exons, les frontières exon–intron, et la région promotrice 5′ en amont du gène GNPTAB dans tous les cas et chez les contrôles ont révélé que le variant Glu1200Lys apparaissait chez les sujets affectés dans trois autres familles Pakisatanaises (PKST5, PKST25, et PKST41) de notre étude de lien antérieure12, chez une personne Nord-Américaine affectée d'ascendance Asiatique Indienne, chez deux sujets Pakistanais affectés non-parentés, et chez un sujet de contrôle Pakistanais. Cette mutation apparaît ainsi être plus commune dans les populations du sous-continent Asiatique. Nous avons identifié trois autres mutations potentielles chez quatre sujets affectés, non-parentés, comme résumé sur la Table 1. Aucun de ces variants n'a été observé sur les 192 chromosomes des sujets de contrôles Pakistanais non-affectés, ni sur les 552 chromosomes des sujets de contrôle Nord-Américains neurologiquement normaux. Les analyses comparatives ont révélé que l'acide aminé sur chacune de ces quatre positions sur GNPTAB est conservé chez tous les vertébrés (Fig.2), soutenant davantage l'avis que ces variants représentent des mutations pathologiques.
Figure 2. Mutations découvertes sur GNPTAB, GNPTG, et NAGPA et alignement de leurs séquences d'acides aminés chez différentes espèces.
Les zones ombrées indiquent les changements d'acides aminés résultant des mutations chez différentes espèces. Sur NAGPA, p.Phe513SerfsX113 dénote une mutation déphasante qui change la phenylalanine 513 en serine et crée un nouveau cadre de lecture qui finit en stop en aval de 113 acides aminés (voir Fig. 4 dans l'Appendice Supplémentaire, disponible avec le texte intégral de cet article à NEJM.org). GNPTAB dénote le gène N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase encodant les sous-unités alpha et beta, GNPTG le gène N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase encodant la sous-unité gamma, et NAGPA le gène N-acetylglucosamine-1-phosphodiester alpha-N-acetylglucosaminidase.



EVALUATION DES GÈNES À L'INTÉRIEUR DU CHEMIN
Nous avons ensuite séquencé les 11 exons, les frontières exon–intron, et la région promotrice 5′ en amont du gène GNPTG, qui encode la sous-unité de recognition de GlcNAc-phosphotransferase19,20, dans tous les cas de sujets et chez tous les sujets de contrôle. Nous avons identifié trois mutations chez quatre personnes affectées, non-parentées (Table 1). Aucun de ces variants n'étaient présent sur un total de 192 chromosomes des sujets de contrôles Pakistanais, ni sur les 552 chromosomes des sujets de contrôles Nord-Américains. La mutation faux-sens observée sur la position acide aminé 74 encode un acide glutamique négativement chargé à la place des petites acides aminés apolaires (alanine et glycine) à cette position chez les mammifères et chez le poulet (Fig.2). La mutation à

* GNPTAB dénote le gène N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase pour les sous-unités alpha et beta, GNPTG le gène N-acetylglucosamine-1-phosphate transferase pour la sous-unités gamma, et NAGPA le gène N-acetylglucosamine-1-phosphodiester alpha-N-acetylglucosaminidase.


la position 688 encode une valine à la place de la leucine qui apparaît à cette position chez tous les mammifères. La troisième mutation était une duplication 9-bp, encodant une duplication à-l'intérieur-du-cadre des acides aminés 5, 6, et 7.
L'enzyme GlcNAc-phosphotransferase encodée par GNPTAB/G agit dans le cheminement qui génère le signal de ciblage mannose-6-phosphate qui dirige les enzymes vers le lysosome21 (Fig.3). L'étape subséquente dans ce chemin est catalysée par N-acetylglucosamine-1-phosphodiester alpha-Nacetylglucosaminidase (NAGPA, EC 3.1.4.45), aussi connu comme l'enzyme de démasquage (voir la Fig.3 pour une explication). Le séquençage des 10 exons, les frontières exon–intron, et la région promotrice 5′ en amont de NAGPA dans tous les cas et tous les contrôles ont révélé trois différentes mutations chez six personnes affectées non-parentés (cinq hétérozygotes et un homozygote) (Table 1). Aucun de ces variants n'étaient présents sur un total de 192 chromosomes non-affectés Pakistanais et 552 chromosomes non-affectés Nord-Américains. La mutation sur l'acide aminé position 328 encode une cysteine à la place d'une arginine qui est conservée chez tous les mammifères connus, tandis que la mutation à l'acide aminée position 84 encode une glutamine à la place de la histidine normale qui apparaît chez les humains, les chimpanzés, les rats, et les souris (Fig.2). La troisième mutation était une délétion 16-bp qui change l'acide aminé pénultième de la lysine en asparagine et enlève le dernier acide aminé et le codon stop, résultant en un cadre de lecture ouvert étendu qui prédit l'addition de 112 acides aminés à l'extrémité carboxyle de cette protéine (Fig.4 dans l'Appendice Supplémentaire).

En résumé, nous avons observé des mutations dans GNPTAB, GNPTG, et NAGPA dans 25 des 786 chromosomes des cas de sujets non-parentés, comparé avec 4 des 744 chromosomes des sujets contrôle (chisquare = 12.476, 1 df; P = 0.0004) (Table 3c dans l'Appendice Supplémentaire). Des mutations dans GNPTAB et GNPTG ont été associées aux rares troubles hérités de stockage lysosomal, respectivement les mucolipidoses de type II et III21,22 , qui sont caratérisés par des troubles des articulations, du système squelettique, du coeur, du foie, de la rate, des systèmes moteurs et par un retard développemental. Des mutations dans NAGPA n'ont pas été rapportées.

EXAMENS CLINIQUES
Parce que les cas affectés dans notre étude étaient vérifiés sur la base d'avoir un bégaiement non-syndromique, nous avons interrogé et réalisé un examen clinique plus détaillé de trois personnes
Figure 3. Marquage pour transport de l'enzyme lysosomale.
Dans la première étape, GlcNAc-phosphotransferase (dont les sous-unités alpha, beta, et gamma sont encodées par les gènes GNPTAB et GNPTG) catalyse le lien covalent de GlcNAc-1-phosphate de l'uridine diphosphate (UDP) vers l'extrémité résidu de mannose des oligosaccharides N-liés sur les enzymes destinés au lysosome. Dans la seconde étape, NAGPA (N-acetylglucosamine-1-phosphodiester alpha-N-acetylglucosaminidase), aussi connu comme enzyme de démasquage, enlève un groupe GlcNAc, exposant ainsi la mannose-6-phosphate (M6P), qui agit comme le signal ciblant. Les enzymes avec ce signal ciblant sont ensuite dirigées à travers l'appareil de Golgi vers le lysosome.

affectées : deux d'entre eux étaient porteurs hétérozygotes de la mutation Ala455Ser dans GNPTAB, et un d'entre eux était homozygote pour la mutation Arg328Cys dans NAGPA. Ces trois personnes n'avaient pas de signes ou de symptômes typiquement observés dans les mucolipidoses de types II et III21. Aucun des trois sujets n'avaient d'antécédents de retard développemental, et ils avaient 17, 14, et 17 ans d'instruction. D'après examen physique, aucun des trois n'était dysmorphique ni n'avait d'anomalies du squelette, des articulations, des yeux, ni du coeur. Des inspections squelettiques limitées n'ont pas montré d'évidences de dysostoses multiples. Mis à part le bégaiement, qui s'échelonnait de léger à modéré-à-sévère, les résultats neurologiques étaient dans les limites normales. Des niveaux élevés oligosaccharides urinaires, qui sont caractéristiques de certains troubles de stockage lysosomal, n'ont pas été observés. Chez ces trois sujets, les valeurs de plasma betahexosaminidase étaient 29.0, 9.8, et 15.0 U par litre (fourchette normale, de 10.4 à 23.0).

D I S C U S S I O N
Les études génétiques sur le bégaiement sont compliquées par le haut taux de rétablissement spontané dans ce trouble, spécialement parmi les femmes23, et par la probabilité de causes non-génétiques et hétérogènes. Ces facteurs rendent probable le fait que des personnes non-affectées peuvent porter des mutations associées au bégaiement (c'est-à-dire peuvent avoir des mutations non-pénétrantes) et que des personnes affectées peuvent ne pas porter de telles mutations (c'est à dire qu'elles peuvent représenter des phénocopies). De plus, nos découvertes dans la Famille PKST72 sont compatibles avec la possibilité d'un croisement assortatif, dans lequel des croisements préférentiels entre des personnes affectées ou des familles peuvent mener au bégaiement causé par différents allèles mutants à l'intérieur d'une grande famille. Trois découvertes soutiennent un rôle pathogène de ces mutations dans le bégaiement : seule une de ces mutations GNPTAB, GNPTG, et NAGPA était observée chez les sujets de contrôles non-affectés (à savoir, dans un seul chromosome); toutes les mutations apparaissaient à des positions sur lesquelles l'identité de l'acide aminé est conservée dans une large mesure à travers les espèces; et toutes les mutations apparaissaient à l'intérieur d'un chemin métabolique unique bien-défini. Soutenant encore plus un rôle causal de ces mutations dans le bégaiement, est l'observation que, bien que les personnes avec des mucolipidoses de types II et III ont en majeure partie des troubles squelettiques, cardiaques et oculaires, ils ont souvent des déficits de la parole, particulièrement dans la parole expressive24-26. Ces déficits ont été vus comme secondaires au retard développemental qui est typique dans ces troubles, mais le fait que certaines fonctions intellectuelles soient épargnées dans les mucolipidoses de type III25 suggère que les déficits de parole peuvent être primaires plutôt que secondaires dans ce trouble.
Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles les mutations que nous avons identifiées sur GNPTAB et GNPTG résultent en un bégaiement plutôt qu'en des mucolipidoses de type II et III. Premièrement, on pense généralement que les mucolipidoses de type II et III sont des troubles récessifs autosomaux, et toutes les personnes affectées non-parentées dans notre échantillon, à deux exceptions près, étaient hétérozygotes et on ne s'attendait pas à ce qu'ils aient un de ces troubles. Une autre possibilité est que toutes sauf une des mutations que nous avons identifié soient faux-sens, au lieu de troncature de protéine ou mutation par délétion, chose typiquement observée dans les mucolipidoses de types II et III, et qui a vraisemblablement un effet plus sévère sur la fonction de la protéine. Aucune de ces mutations que nous avons observée dans GNPTAB et GNPTG n'a été identifiée chez des personnes avec mucolipidose de type II ou de type III27-30.

Aucun trouble humain n'a encore été associé à des mutations dans NAGPA. Cela pourrait être vu comme surprenant, étant donné qu'on prévoit que de telles mutations aient un effet sur beaucoup de différents enzymes lysosomaux. Notre étude suggère qu'une conséquence primaire de la mutation de NAGPA est le bégaiement développemental persistant non-syndromique.

Une raison importante d'examiner le bégaiement est de mieux comprendre les structures neurales et les fonctions à l'intérieur du cerveau qui génèrent la parole humaine, qui sont mal comprises. Les données en ce qui concerne l'expression de ces trois gènes dans le cerveau humain sont limitées. Les données pour le cerveau de la souris sont disponibles pour NAGPA et GNPTG. GNPTG a l'expression la plus localisée dans le cerveau, avec de hauts niveaux d'expression dans l'hippocampe, la formation hippocampale, et le cervelet (d'après le Allen Brain Atlas31). Ces structures sont associées, entre autres choses, à l'émotion et la fonction moteur. L'état émotionnel de la personne peut exercer un fort effet sur la sévérité du bégaiement1. De plus, alors que le bégaiement n'affecte pas la capacité à conceptualiser les mots et les phrases, il affecte les fonctions moteurs requises pour la parole fluente. Ces trois gènes sont largement exprimés dans beaucoup de tissus dans le corps tout au long de la vie, et l'expression à vie de ces gènes est compatible avec la nature persistante du bégaiement chez nos sujets.

Nous avons trouvé les mutations de NAGPA seulement chez des personnes d'origine Européenne, et ces mutations sont apparues chez 6 des 270 sujets Nord-Américains-Birtanniques affectés (2%). Nous avons observé des mutations dans GNPTAB et GNPTG chez 15 des 393 personnes affectées qui étaient d'origine Sud-Asiatique ou Européenne (4%). Le bégaiement persistant affecte approximativement 1% de la population des Etats-Unis, ce qui correspond à environ 3 millions de personnes, et à 60 millions de personnes estimées dans le monde. Bien que nos résutats peuvent expliquer une petite fraction des cas de bégaiement, ces variants de susceptibilité sont probablement présents chez un grand nombre de personnes affectées. Nos découvertes suggèrent aussi que ces manifestations de mutations dans ces gènes ne sont pas limitées au très petit nombre de personnes qui ont des symptômes des mucolipidoses type II ou III. Les manifestations des déficits de ciblage lysosomal peuvent être présentes plutôt chez un groupe plus large de patients couramment rencontrés dans la pratique médicale.

Soutenu par des financements de l'Intramural Research Program of the National Institute on Deafness and Other Communication Disorders (Z01-000046-09, au Dr. Drayna) et le National Human Genome Research Institute (au Dr. Mullikin).
Aucun conflit d'intérêt potentiel significatif à cet article n'a été rapporté.
Nous remercions la Stuttering Foundation of America, la National Stuttering Association, la British Stammering Association, et les sujets qui ont participé à l'étude pour leur soutien.
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Copyright © 2010 Massachusetts Medical Society.

Commentaires

Anonyme a dit…
Merci Olivier de ce très gros travail de traduction. :)
Cela permet de réfléchir par soi-même plus sereinement et plus sérieusement qu'au travers des nombreuses interprétations excessives que l'on peut lire ici ou là ! (Même si la lecture et la compréhension en restent ardues même en Français :))

Daniel P.
Olivier a dit…
Tout-à-fait, Daniel ! Le rapport de l'étude, c'est le matériau brut.

J'aurais aimé que ce soit plus facile à comprendre. Mais la partie Discussion est dans un langage plus 'de tous les jours'.