Caractérisation d'une mutation communément associée au bégaiement persistant : évidence pour une mutation fondatrice (Fedyna, Kang, Drayna, 2010)

Dans cet article, Kang et Drayna (avec Alison Fedyna) suggèrent preuves à l'appui que la mutation Glu1200Lys, sur le gène GNPTAB, liée directement au bégaiement est vieille d'environ 14 000 ans, et est ce qu'on appelle une mutation fondatrice, c'est-à-dire une mutation transmissible, à une seule paire de bases modifiée, extrêmement vieille, apparue probablement dans une population fondatrice.

Caractérisation d'une mutation communément associée au bégaiement persistant : évidence pour une mutation fondatrice
Alison Fedyna, Dennis Drayna et Changsoo Kang

Le bégaiement est un trouble qui affecte la fluence de la parole. On a montré qu'il avait une haute héritabilité, et il a récemment été relié à des mutations sur le gène GNPTAB. Une telle mutation, Glu1200Lys, a été observée de façon répétée dans des familles sans parentés, et dans des cas individuels. Huit individus non-parentés portant cette mutation ont été analysés dans un effort pour distinguer si cela survient d'une mutation répétée sur le même site, ou si cela représente une mutation fondatrice avec une origine unique. Les résultats ont montré que les 12 chromosomes portant cette mutation partagent tous un haplotype commun dans cette région, indiquant que c'est une mutation fondatrice. Des analyses supplémentaires ont estimé l'âge de cette allèle à environ 572 générations. La construction d'un cladogramme traçant la mutation à travers notre échantillon d'étude soutient aussi l'hypothèse de la mutation fondatrice.

Journal of Human Genetics (2011) 56, 80–82; doi:10.1038/jhg.2010.125; published online 14 October 2010
INTRODUCTION

Le bégaiement est un trouble commun de la fluence de la parole, caractérisé par une fragmentation répétitive du commencement des mots, une prolongation des sons initiaux et de grands vides entre les mots ou les syllabes, qui sont connus comme blocages silencieux1. Il a été montré que le bégaiement est hautement héréditaire. Il a été rapporté s'agréger dans les familles2,3. Approximativement la moitié des personnes bègues ont des antécédents familiaux du trouble4,5, et un lien génétique significatif au bégaiement a été observé sur le chromosome 126. Nous avons montré que les mutations sur le gène GNPTAB (GlcNAc-phosphotransferase; EC 2.7.8.17) à l'intérieur de cette région sont associées à ce trouble 7. Une mutation sur GNPTAB, Glu1200Lys, a été découverte dans un certain nombre de familles Pakistanaises et chez plusieurs individus non-parentés d'origine Sud-Asiatique7. Le but de la présente étude était de caractériser davantage la mutation Glu1200Lys sur GNPTAB. Nous avons d'abord chercher à déterminer si cette mutation représente une mutation fondatrice descendue d'un ancêtre commun, ou une mutation récurrente à la même position. Nous avons aussi chercher à estimer l'âge de la mutation, et à construire un cladogramme traçant la mutation à travers notre population d'étude, dans le but de comprendre davantage l'histoire de cette mutation.
MATERIELS ET METHODES
Huit individus non-parentés, dont on a montré qu'ils sont porteurs d'au moins une copie de la mutation Glu1200Lys sur le gène GNPTAB, ont été examinés dans cette étude. Quatre des huits sujets étaient hétérozygotes pour la mutation, fournissant un total de 12 chromosomes affectés et 4 non-affectés de ces 8 individus. Nous avons génotypé 33 SNPs [Polymorphismes Nucleotidiques Simples, NdT] à travers la région de 650-kb environnant la mutation Glu1200Lys, en séquençant l'ADN génomique. Nous avons aussi génotypé les quatre marqueurs microsatellites les plus proches listés sur le Marshfield Map Marker Database. Quarante-huit individus Pakistanais, pris au hasard, d'un lieu correspondant du Pakistan (¼96 chromosomes) ont été aussi génotypés avec tous les marqueurs pour générer des fréquences d'allèles de contrôle.
Pour identifier les marqueurs additionels informatifs dans cette région, la région de 20-kb environnant immédiatement la mutation 1200Lys a été séquencée à l'achèvement.
Un résultat de ce séquençage a été la découverte de cinq nouveaux SNPs. Les génotypes résultant étaient ensuite analysés avec PHASE (v2.1.1) pour déterminer les haplotypes les plus probables pour chaque individu 8,9.

Les haplotypes résultants (12 chromosomes contenant la mutation et 96 chromosomes de contrôle Pakistanais) ont été analysés avec DMLE+ (version 2.2) pour estimer l'âge approximatif de la mutation Glu1200Lys 10.
Des tests ont été menés en utilisant différents nombres de marqueurs, allant des 33 marqueurs SNP informatifs dans la région, aux 7 marqueurs environnants immédiatement la mutation Glu1200Lys. L'emplacement de la mutation Glu1200Lys à l'intérieur de l'haplotype a été définie comme 0.022 cM [centimorgan, NdT] du premier marqueur dans l'analyse utilisant tous les 33 marqueurs, et comme 0.0039 cM, quand les 7 marqueurs entourant directement la mutation était analysée.
TREEFINDER11 a été utilisé pour générer un arbre phylogénétique illustrant les relations entre les 16 chromosomes de huit individus. Le modèle de substitution de nucléotide J3+I a été utilisé, et une analyse bootstrap *1000 a été conduite pour générer de possibles arbres phylogéniques. Un programme consensus a été mené pour choisir les arbres les plus probables parmi ceux générés. La séquence intégrale de la région de 650-kb que nous avions précédemment évaluée, avec la région que nous avions précédemment évaluée avec SNP, et l'analyse microsatellite étaient utilisées. Ces séquences étaient dérivées de multiples traces de séquençage alignées avec la séquence de référence en utilisant SeqMan, et en incluant l'allèle pertinent à chaque SNP, ou position du microsatellite.
RESULTATS
Huit individus non-parentés portant une ou deux copies de la mutation Glu1200Lys ont été analysés par une combinaison de séquençage et de génotypage dans une région de 650-kb environnant la mutation. Les génotypes résultants ont été ensuite analysés en utilisant PHASE pour déterminer les haplotypes les plus susceptibles d'être portés par chacun de ces 8 individus et 48 individus de contrôle. On a trouvé que les 12 chromosomes contenant la mutation Glu1200Lys partagent un haplotype commun environnant immédiatement cette position (Figure 1 et Table Supplémentaire 1). A son minimum, cet haplotype consiste en une combinaison unique d'allèles au sept SNPs les plus proches de la mutation, et est approximativement de 6.67 kb en longueur. Cet haplotype n'a pas été trouvé sur les 96 chromosomes dans l'échantillon de contrôle.
Parce que ces résultats suggèrent une origine unique de la mutation Glu1200Lys, nous avons cherché à estimer l'âge de cet allèle. Dans notre analyse utilisant DMLE+, l'âge estimé de la mutation Glu1200Lys était de 572 générations (95% d'intervalle de crédibilité: 467–697), ou 14 300 ans, en se basant sur un temps de 25 ans par génération.
12 Nous avons aussi construit un arbre phylogénétique des 16 chromosomes chez les huit individus non-parentés portant la mutation Glu1200Lys en utilisant les génotypes et et la séquence ADN enjambant la région de 650-kb montré sur la figure 1. L'arbre consensus est illustré sur la figure 2. Les chromosomes se séparent en deux branches distinctes, une qui contient les 12 chromosomes portant la mutation, et une autre branche contenant les quatres qui ne la portent pas. Additionnellement, les chromosomes qui portent la mutation tendent à se séparer avec d'autres chromosomes qui contiennent une quantité similaire de l'haplotype partagé. Cela peut être constaté en comparant les Figures 1 et 2.
DISCUSSION
Nos résultats révèlent que tous les chromosomes portant la mutation Glu1200Lys, dans le gène GNPTAB, partagent un haplotype simple, apparemment unique, environnant cette mutation. Cela indique que la mutation Glu1200Lys est une mutation fondatrice, qui est apparue une fois et a été héritée par tous les individus affectés dans notre échantillon. On a trouvé que l'haplotype partagé est aussi court que 6.67 kb en longueur, suggérant que cette mutation peut être relativement vieille. Notre estimation de l'âge de cette mutation soutient cette hypothèse. En utilisant une variété de paramètres, nous avons obtenu un âge estimé de 572 générations, ou 14 300 ans. L' arbre phylogénétique généré d'après les données soutient aussi l'hypothèse de la mutation fondatrice. Les chromosomes avec une plus grande portion de l'haplotype portant la mutation sont regroupés plus près entre eux ensemble, que les chromosomes partageant une quantité moindre. Tous les chromosomes portant la mutation sont séparés sur le cladogramme de ceux montrant ne pas porter la mutation, soutenant davantage la conclusion qu'ils dérivent d'un ancêtre commun.
Figure 1
La mutation Glu1200Lys est environné par un haplotype partagé. Les marqueurs identifieurs sont listés au-dessus de la ligne la plus haute. Les SNPs nouvellement découverts dans cette étude sont ss252444755, ss252444756, ss252444757, ss252444758 et SNP 1, qui n'était pas assigné d'une désignation rs/ss parce qu'il était monomorphique dans notre échantillon de contrôle normal. La barre horizontale bleue illustre la localisation du gène GNPTAB, et la mutation de lysine est montrée par la ligne noire verticale au centre. Les barres horizontales grises indiquent les régions d'haplotype partagé sur chaque chromosome.
 
Figure 2
Cladogramme de 16 chromosomes de huit individus non-parentés portant la mutation Glu1200Lys. Un total de 16 chromosomes de huit individus sont inclus. Les chromosomes sont marqués du numéro du sujet, suivis par le numéro du chromosome lui-même pour le sujet donné. Les chromosomes portant la mutation sont désignés par un M.



REMERCIEMENTS
Nous remercions M Hashim Raza pour le débat obligeant et T Friedman et K Noben-Trauth pour leurs précieux commentaires sur le manuscrit. Ce travail a été supporté par le financement Z01-000046-10 du NIDCD/National Institutes of Health intramural research
1 Bloodstein, O. & Ratner, N. A Handbook on Stuttering 6th edn (Thomson Delmar Learning, New York, 2008)
2 Kidd, K. K., Heimbuch, R. C. & Records, M. A. Vertical transmission of susceptibility to stuttering with sex-modified expression. Proc. Natl Acad. Sci. USA 78, 606–610 (1981).
3 Yairi, E., Ambrose, N. & Cox, N. Genetics of stuttering: a critical review. J. Speech Hear. Res. 39, 771–784 (1996).
4 Drayna, D., Kilshaw, J. & Kelly, J. The sex ratio in familial persistent stuttering. Am. J. Hum. Genet. 65, 1473–1475 (1999).
5 Viswanath, N., Lee, H. S. & Chakraborty, R. Evidence for a major gene influence on persistent developmental stuttering. Hum. Biol. 76, 401–412 (2004).
6 Riaz, N., Steinberg, S., Ahmad, J., Pluzhnikov, A., Riazuddin, S., Cox, N. J. et al. Genomewide significant linkage to stuttering on chromosome 12. Am. J. Hum. Genet. 76, 647–651 (2005).
7 Kang, C., Riazuddin, S., Mundorff, J., Krasnewich, D., Friedman, P., Mullikin, J. C. et al. Mutations in the lysosomal enzyme-targeting pathway and persistent stuttering. N. Engl. J. Med. 362, 677–685 (2010).
8 Stephens, M. & Donnelly, P. A comparison of bayesian methods for haplotype reconstruction from population genotype data. Am. J. Hum. Genet. 73, 1162–1169 (2003).
9 Stephens, M., Smith, N. J. & Donnelly, P. A new statistical method for haplotype reconstruction from population data. Am. J. Hum. Genet. 68, 978–989 (2001).
10 Reeve, J. P. & Rannala, B. DMLE+: Bayesian linkage disequilibrium gene mapping. Bioinformatics 18, 894–895 (2002).
11 Jobb, G., von Haeseler, A. & Strimmer, K. TREEFINDER: a powerful graphical analysis environment for molecular phylogenetics. BMC Evol. Biol. 4, 18 (2004).
12 World Marriage Data 2008.

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