Interaction des deux côtés du cerveau chez les adultes qui bégaient - M.Sommer, Stuttering Foundation of America, septembre 2011

Un article de Martin Sommer pour la SFA, qui revient sur l'interaction interhémisphérique normale chez les adultes qui bégaient. Ce qui nous permet un peu de mieux comprendre ce qu'est Inhibition et Facilitation en neuro.



15 septembre 2011 - source
Interaction des deux côtés du cerveau chez les adultes qui bégaient
par Martin Sommer, M.D., Université de Göttingen
La parole fluente implique le côté gauche du cerveau, aussi appelée l'hémisphère gauche (Brown et coll., 2005; Fox et coll., 1996). Dès les années 1920, une latéralisation perturbée de la fonction du cerveau, à savoir une implication anormale de l'hémisphère droit, a été vue comme une cause possible du bégaiement (Travis, 1978). En soutien à cette notion, des études dans les années 1960 ont suggéré que l'audition n'est pas aussi latéralisée à gauche chez les adultes qui bégaient que chez les individus fluents (Curry et Gregory, 1969). Ces 15 dernières années, des études d'imagerie cérébrale ont davantage soutenu cette hypothèse en montrant que, dans le bégaiement, les hémisphères gauche et droit ne se partagent pas la charge de la parole correcte. Ces études d'imagerie indiquent un basculement de l'activité cérébrale dédiée à la parole vers l'hémisphère droit chez les adultes qui bégaient (Brown et coll., 2005; Fox et coll., 1996).
Pour essayer de mieux comprendre ce qu'il y a derrière cette latéralisation anormale des fonctions du cerveau chez les adultes qui bégaient, et comment elle contribue au bégaiement, nous avons récemment réalisé une étude sur l'inhibition interhémisphérique (IHI). C'est une mesure de la façon dont le cortex moteur d'un hémisphère influence et inhibe l'activité dans le cortex moteur de l'autre hémisphère. Une telle inhibition a d'abord été observée dans l'aire du cortex moteur ou les mouvements de la main sont générés. Des mouvements unilatéraux de la mains, tels que dans les sports ou la pratique du piano, requiert une inhibition de l'autre main. Cette inhibition mûrit et évolue lentement pendant l'enfance. Il est fascinant d'observer comme cela prend des années à un enfant pour apprendre comment, en manipulant des jouets ou des objets avec une main, supprimer les mouvements "miroir" de l'autre main.
Cette interaction entre le cortex moteur d'un hémisphère avec le cortex moteur de l'autre peut être étudié en détail, et avec une haute résolution temporelle, en utilisant la stimulation magnétique transcrânienne (SMT). La SMT fonctionne en stimulant le cortex moteur, dans un hémisphère, brièvement après la stimulation du cortex moteur de l'autre. Le résultat est que le stimulus du premier cortex moteur obstrue, ou inhibe, l'activité habituellement observée après que le second stimulus ait été présenté au cortex moteur opposé. De façon intéressante, cette inhibition d'une aire moteur par l'aire du côté opposé se développe pendant l'enfance (Garvey et coll., 2003; Heinen et coll., 1998), et on a découvert qu'elle était anormale chez les musiciens professionnels qui ont commencé à jouer d'un instrument à l'enfance (Ridding et coll., 2000). Etant donné qu'on a montré l'activité hémisphérique droite anormale chez les adultes bègues par imagerie fonctionnelle, il était tentant de conclure que l'interaction des cortex moteurs puisse être anormale.
Nous avons par conséquent examiné 15 sujets masculins qui bégaient depuis l'enfance, avec une moyenne d'âge de 28.7 ans (écart-type 10.6), et 15 sujets de contrôles correspondants sans problèmes de fluence d'une moyenne d'âge de 26.7 ans (écart-type 4.6) sans antécédent familiaux de bégaiement ou de bredouillement. Nous n'avons essentiellement pas trouvé de différence entre les groupes en regard de l'inhibition interhémisphérique (Sommer et coll., 2009). Cela signifie que la suppression de l'activité en cours dans un hémisphère par activation antérieure de l'aire moteur du côté opposé était parfaitement normale dans le groupe des adultes qui bégaient. Cela indique que le cortex moteur lui-même n'est pas le site au coeur du problème.
Nous pensons plutôt que les afflux provenant d'autres aires du cerveau vers le cortex moteur humain modulent son activité d'une façon différente et sont par conséquent sujets à des études que nous conduisons actuellement. Cet avis est soutenu par des découvertes plus récentes de Nicole Neef, de notre équipe. Elle a étudié le réglage fin de l'équilibre entre inhibition et facilitation à l'intérieur du cortex moteur et a trouvé un équilibre anormal avec une facilitation réduite (Neef et coll., 2011). Cela suggère une entrée anormale vers le cortex moteur, par exemple depuis les noyaux gris centraux.

En résumé, nos données montrent que le cortex moteur lui-même et l'interaction des deux hémisphères sont intacts chez les adultes qui bégaient, et dirige les recherches futures vers les aires interconnectées influençant l'activité des aires moteurs du cerveau.




Références
Brown S, Ingham RJ, Ingham JC, Laird AR, Fox PT. Stuttered and fluent speech production: an ALE meta-analysis of functional neuroimaging studies. Hum Brain Mapp 2005; 25: 105-17.
Curry FK, Gregory HH. The performance of stutterers on dichotic listening tasks thought to reflect cerebral dominance. J Speech Hear Res 1969; 12: 73-82.
Fox PT, Ingham RJ, Ingham JC, Hirsch TB, Downs JH, Martin C, et al. A PET study of the neural systems of stuttering. Nature 1996; 382: 158-61.
Garvey MA, Ziemann U, Bartko JJ, Denckla MB, Barker CA, Wassermann EM. Cortical correlates of neuromotor development in healthy children. Clin Neurophysiol 2003; 114: 1662-70.
Heinen F, Glocker FX, Fietzek U, Meyer BU, Lucking CH, Korinthenberg R. Absence of transcallosal inhibition following focal magnetic stimulation in preschool children. Ann Neurol. 1998; 43: 608-12.
Neef NE, Paulus W, Neef A, Wolff von Gudenberg A, Sommer M. Reduced intracortical inhibition and facilitation in the primary motor tongue representation of adults who stutter. Clinical Neurophysiology 2011; 122: 1802–11.
Ridding MC, Brouwer B, Nordstrom MA. Reduced interhemispheric inhibition in musicians. Exp Brain Res. 2000; 133: 249-53.
Sommer M, Knappmeyer K, Hunter EJ, Gudenberg AW, Neef N, Paulus W. Normal interhemispheric inhibition in persistent developmental stuttering. Mov Disord 2009; 24: 769-73.
Travis LE. The cerebral dominance theory of stuttering: 1931--1978. J Speech Hear Disord 1978; 43: 278-81.

Commentaires

Anonyme a dit…
Toujours aussi passionnant ces comptes-rendus!

Vincent