Bégaiement et Stimulation Magnétique Transcrânienne

Comme d'habitude, la place réservée à la recherche en cette JMB sera maigrichonne. Pour rééquilibrer tout ça, je sors de ma retraite et je vous propose un mini-dossier sur un outil récent des chercheurs, qui est aussi une future thérapie potentielle, qui devrait faire parler d'elle ces prochaines années : la Stimulation Magnétique Transcranienne.


Mini-dossier
LA STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE
ET LE BEGAIEMENT :
FUTURE THERAPIE OU SIMPLE OUTIL D'ANALYSE ?

La stimulation magnétique transcranienne revient de plus en plus aux lèvres -et sous la plume des chercheurs. Qu'elle soit un outil supplémentaire pour les études, et pas des moindres, c'est évident.
Mais, là où le regard des profanes que nous sommes s'arrête, c'est sur le fait que cette méthode puisse aussi servir de thérapie...
Alors, les professionnels nous proposeront-ils un jour la stimulation transcranienne et ses variantes ?

En quoi consiste-t-elle exactement ? Pour quel trouble l'utilise-t-on ? Serait-ce efficace ? Est-elle précise ? La technologie est-elle assez avancée ? Présente-elle un risque ?

La SMT, comment ça fonctionne ?
On positionne une bobine à un certain endroit, au-dessus, du crâne. La bobine induit un champ électrique qui modifie l'activité des neurones situés dans le champ magnétique. À partir d’un certain seuil d’intensité, la modification rapide du champ magnétique induit localement une dépolarisation neuronale (potentiel d’action), laquelle se propage le long des axones, puis de proche en proche par l’intermédiaire des synapses, en s’atténuant avec la distance.
La SMTr, “r” pour répétitive, émet une série d'impulsions sur une durée donnée avec l'intention de modifier
durablement l'activité de la région visée. L'effet excitateur ou inhibiteur dépend notamment de la fréquence de la stimulation.

Est-ce dangereux ?
C'est non-invasif, et indolore. Les résultats sont positifs, mais, visiblement, il reste des questions de précisions de l'application et de méthodologie. Aux tout débuts de cette méthode, on a constaté de très rares cas de crises épileptiques, mais la technologie était peu sûre à l'époque. Aujourd'hui, en plus d'être améliorée, elle est très surveillée.

Y-a-t-il des bénéfices inattendus ?
Il semblerait, mais ce n'est pas encore solidement prouvé qu'elle améliore certaines fonctions cognitives...information sous réserves, donc.

Pour quels troubles l'utilise-t-on ?
Elle semble efficace dans certains cas de dépression majeure, de schizophrénies, d'hallucinations, d'acouphènes, ou douleurs neuropathiques.

La SMT et le bégaiement
Une des premières allusions à cette jeune technique figure dans un raport de Ingham en 2003 (Brain imaging and stuttering: some reflections on current and future developments), (où il citait aussi les cellules souches et les nanotechnologies, ce qui me fait moins rougir quand je repense aux articles que j'ai écrit sur le sujet, mais enfin bref) mais à l'époque, cette technologie n'était pas assez poussée.
En 2011, la SMT s'est retrouvée sur le devant de la scène avec l'équipe allemande de Martin Sommer, lorsqu'ils l'ont utilisée pour découvrir l'intégration moteur-auditive déplacée à droite chez les personnes begues, ainsi que pour tester l'excitabilite corticale.
Pourtant, alors, aucune allusion à son potentiel thérapeutique pour le bégaiement.
Pour cela, il faut attendre un article de Soo-Eun Chang (Université du Michigan) daté de 2012. On retrouve une allusion fugace à la SMT dans un article de Deryk Beal pour la Stuttering Foundation of America (Brain Development in Stuttering), Beal qui en avait déjà parlé dans un rapport-synthèse en 2011 (The Advancement of Neuroimaging Research InvestigatingDevelopmental Stuttering)...et là, en parlant clairement de son potentiel thérapeutique.

Sur Internet, si vous faites la recherche, vous trouverez également un rapport disponible (payant, hélas) qui se veut étudier les bases neurologiques du bégaiement avec la SMT ( Investigating the neural basis of stuttering using transcranial magnetic stimulation: Preliminary case discussions). Sur le site de la NSA, on voit aussi qu'elle a accordé un financement à une recherche à venir, avec SMT (Effects of Cortical Stimulation on Self-Monitoring Performance in People Who Stutter). Une étude se prépare également à Oxford, le recrutement est un cours.

En 2013, Kate Watkins annonce, à la fois dans un podcast video et dans un article de la BSA, qu'elle va utiliser la SMT pour étudier la façon dont celle-ci peut prolonger des effets de méthodes induisant la fluence.

Ou l'appliquer sur le cerveau ?
D'après ce que j'ai lu, l'effet de la SMT ne descend pas jusqu'à sous le cortex, donc pour l'instant (à moins que je me trompe) elle ne peut pas agir sur les noyaux gris centraux. Alors, la première chose qui me vient à l'esprit est d'essayer l'hémisphère gauche, pour mimer la signature cérébrale de ceux qui se rétablissent sans thérapie ni aide. D'ailleurs, dans la vidéo précédemment citée, Watkins dit clairement qu'elle pense que les différences corticales sont la cause.
Mais, faut-il cibler la déconnexion elle-même, où légèrement à côté ? Nulle part je n'ai vu que la SMT pouvait consolider substance blanche ou grise ???
Et, si cela fonctionne, si le bégaiement est réduit de façon "rentable", dirais-je, ensuite, que fait-on ? Peut-on poursuivre ainsi les séances indéfiniment sans danger ? Ou cela suffit-il, les seances de SMT sont suffisantes comme point de départ et dans ce cas, faut-il trouver un moyen de continuer le renforcement (c-à-d renforcement neural) autrement, si besoin est ?

En conclusion
Cet article ne sert à rien, j'ai voulu frimer et en parler avant tout le monde, c'est vrai, mais au moins vous êtes au courant (humour).
Plus sérieusement, j'ai été motivé pour écrire ce texte sur la SMT au vu du nombre et de la qualité des chercheurs qui en parlent.
A première vue, je pense que j'ai plus ou moins les mêmes réactions que vous : ce gros aimant sur la tête, est-ce que c'est dangereux, est-ce que c'est précis, qu'est-ce que ça fait exactement dans mon cerveau ? Est-ce que ça représente un sérieux espoir pour une thérapie future, ou juste une aide ?
Ce serait chouette d'avoir des débuts de réponses sans trop tarder...allez, je vais attendre 2014 avant de recommencer à râler. Je vous attends, amis chercheurs !

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