Les nouveaux traitements qui pourraient transformer la thérapie de la parole

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Un gentil petit article non spécialiste, pour me dérouiller un peu avant l'ouverture du site

Les nouveaux traitements qui pourraient transformer la thérapie de la parole
Melissa Pandika, ZY
Chaque fois que Matt Maxion s'est approché du comptoir au McDonald’s, il voulait juste commander des chicken nuggets. Mais le garçon à lunettes et un peu rebondi de 7 ans savait ce qui se passerait lorsqu'il arriverait au “n” de “nuggets”: le bégaiement tremblant, incontrôlable, qui fait se serrer sa mâchoire et provoque ces douleurs à l'estomac, tandis qu'il se sent rapetisser de honte. Sa langue trébuche sur les consonnes difficiles — “n,” “d,” “c.” Mais les consonnes douces, comme le “h,” glissent de la bouche comme de l'huile. Donc , à la place, il commandait des hamburgers.
Maxion, aujourd'hui 24 ans, fait partie des quelques 7.5 millions de personnes aux Etats-Unis qui luttent pour se servir de leur voix : Ils bégaient, ils ne peuvent articuler certaines consonnes ou ont des problèmes pour sortir différents sons. Il fait aussi partie des millions qui restent se demander s'ils bénéficieront des découvertes récentes sur les racines neurologiques et génétiques des troubles de la parole. Aujourd'hui, les scientifiques se dépêchent d'identifier les séquences d'ADN, les synapses et autres biomarqueurs des problèmes de parole, et leur travaux pourraient avoir une grosse influence sur l'incidence des troubles de la parole. Les tests génétiques, par exemple, pourraient prédire quels bébés sont susceptibles de les développer, et permettraient une intervention, tant que les cerveaux sont encore malléables. La stimulation cérébrale pourrait s'ajouter -et peut-être même remplacer — à une thérapie exigeante, productrice d'anxiété. Et, finalement, une simple pilule pourrait offrir un soulagement.
Tous ces développements font partie d'une vague qui balaye l'industrie de la santé : la pratique basée sur la précision. Cela signifie, fondamentalement, que l'on mette l'accent sur des mesures de diagnostic précis qui permettent aux cliniciens d'ajuster les traitements à chaque individu. Cette personnalisation a déjà commencé à transformer la santé mentale — pensez aux tests sanguins qui pourraient prédire la dépression — et les experts disent que la thérapie de la parole est la prochaine sur la liste.
Tel quel, le diagnostic de pathologie de la parole, est un peu comme viser dans le noir. Les professionnels s'appuient sur des tests comportementaux, mais beaucoup de troubles de la parole partagent les mêmes symptômes. Par exemple, l'apraxie ou difficulté à prononcer les mots, peut ressembler énormement au bégaiement. Le mauvais diagnostic, à son tour, peut mener au mauvais type de thérapie. Pire, les enfants ne montrent pas assez de symptômes pour être accepté pour une thérapie – assurée ou non – jusqu'à ce qu'ils soient déjà en primaire, où leurs cerveaux seront moins réceptifs à la thérapie comportementale. C'est le traitement standard, et il se présente avec un taux de rechute de 84%, avec, par ailleurs, beaucoup de honte, de culpabilité et de frustration. Après tout, la parole est "une des capacités humaines les plus basiques" dit Soo-Eun Chang, directrice du Speech Neurophysiology Lab à l'Université du Michigan et de la Michigan State University.
Les tests génétiques pourraient prédire les nouveaux-nés à risque, permettant des interventions précoces...cela pourrait leur permettre un meilleur départ dans la vie.
Les tests génétiques pourraient offrir un diagnostic objectif pour les troubles de la parole, dont plusieurs -comme le bégaiement- ont un fort lien génétique : la moitié des personnes bègues confirment avoir un parent proche avec le même problème, dit Dennis Drayna, chef du NIH’s Laboratory of Communication Disorders. Alors que le bégaiement disparaît souvent spontanément, il persiste dans 20% des cas. Et si nous pouvions identifier plus tôt ceux susceptibles de bégayer de façon persistante ? Idéalement, les tests identifieraient les nouveaux-nés à risque pour les troubles de la parole, permettant des interventions précoces...qui pourraient leur leur permettre de prendre un meilleur départ dans la vie" dit Beate Peter, un professeur adjoint des sciences de la parole et de l'audition à la Arizona State University. Peter a commencé à assembler un catalogue des causes génétiques des troubles de la parole. Les interventions précoces sont la clé parce que "il est plus facile de désapprendre un schéma moteur s'il n'a pas encore été ancré trop profondément,” dit Peter .
Dans une étude du New england Journal of Medicine en 2010, Drayna a relié le bégaiement persistant à trois gènes et vont bientôt dévoiler un quatrième. Mais beaucoup de troubles de parole montrent une hétérogénéité, ce qui signifie que de multiples gènes et de combinaisons de gènes peuvent résulter en des variations pour le même trouble. Cela rend l'identification des gènes impliqués plus compliquée ; ceux qui viennent d'être identifiés expliquent seulement une partie des cas. Pourtant, démêler toute cette complexité génétique pourrait déboucher sur des traitements très précis, y compris, probablement, des médicaments.
Une étude va vérifier si la stimulation cérébrale éléve les niveaux d'activité dans les régions qui montrent une activité affaiblie chez les personnes qui bégaient.
D'autres biomarqueurs des troubles de la parole peuvent se cacher dans le cerveau -à savoir, des schéma d'activité neurale, ou la façon dont le cerveau s'active au scanner. Dans le cadre d'une étude sur un long-terme par imagerie, Chang a rapporté dans Brain que les enfants qui bégaient ont une connectivité plus faible entre les régions auditives et moteurs, et dans les réseaux neuraux impliqués dans le contrôle moteur ; et, d'après une autre étude, ils ont du mal à distinguer les rythmes. Chang a également lancé une étude vérifiant si la stimulation cérébrale peut booster les niveaux d'activité dans certaines régions du cerveau, et si cela peut se traduire en une amélioration des performances dans des tâches comme le tapotement des doigts.
En réalité ces diagnostics sont pour l'heure assez coûteux. Rien qu'un IRM peut aller jusqu'à plusieurs milliers de dollars, même si Chang pense que les cliniciens pourraient à la place utiliser des mesures comportementales, qui ont de hautes corrélations avec des mesures de neuro-imageries. Et, bien sûr, la stimulation cérébrale doit encore subir des essais cliniques. S'il est démontré qu'elle fonctionne, elle améliorerait probablement, voire remplacerait, la thérapie comportementale.

Certaines personnes touchées hésitent à se diriger vers de tels traitements. Maxion, qui est aujourd'hui coach comportemental, à Hayward, en Californie, considère le bégaiement comme faisant partie de son identité, même s'il lutte parfois en entretiens d'embauches. Mais d'autres approuvent : “La recherche est fascinante,” dit Melissa Jensen, une femme de 26 ans qui a passé des années en thérapie à gérer la honte et l'isolement, et à amadouer sa 'grosse' personnalité. Aujourd'hui elle est orthophoniste à Washington.

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